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Discours d’Annalena Baerbock, ministre fédérale des Affaires étrangères, le 15 juillet 2024 sur le chantier du nouveau Goethe-Institut au Sénégal
Le philosophe et scientifique sénégalais Felwine Sarr a dit un jour qu’une société devait prendre le temps de réfléchir au type de société et de vivre-ensemble qu’elle veut construire.
Ce faisant, il parle de la relation entre l’Afrique et l’Europe, de la perception mutuelle de nos deux continents.
Et en ce qui nous concerne nous, les Européennes et les Européens, il dit : « Il ne leur appartient pas de décider dans quelle direction nos rêves doivent aller, ni de quelle façon nous voyons ou interprétons le monde. »
Décider soi‑même de la direction de ses rêves.
Même si, entre ces montagnes de sable, ces bétonnières et ces briques, il faut beaucoup d’imagination pour le deviner, c’est autour de ce baobab vieux de plusieurs décennies que va être érigé un endroit qui permet précisément cela : réfléchir ensemble à quel type de vivre-ensemble, quel type de partenariat nous souhaitons et à la manière dont nous pouvons le développer.
Quelle ville y serait plus propice que Dakar, cette métropole dynamique où retentissent nuit et jour les afrobeats et les rythmes de mbalax ; qui abrite la plus grande biennale d’art africain, des fashion weeks, des réalisatrices et des musiciens hip‑hop, mais aussi des universités, des laboratoires et une culture de la start‑up que nombre de personnes envient et qui a permis à plusieurs entreprises de voir le jour, comme Afyasense, une entreprise qui détecte les agents pathogènes du paludisme dans les échantillons de sang grâce à l’intelligence artificielle.
Dakar, la capitale d’un pays où la moyenne d’âge est de 19 ans, où la force de la jeunesse est tangible à chaque coin de rue : des personnes qui souhaitent se former et participer, des personnes dont nous avons besoin pour l’avenir commun dont nous rêvons.
C’est pourquoi il est positif que nous donnions précisément ici une nouvelle dimension au Goethe-Institut. L’année dernière, nous avons décidé conjointement de réorienter notre réseau mondial de Goethe-Instituts.
Car notre monde a rapidement changé ces dernières années. Non seulement parce que, dans le monde entier, des autocrates cherchent à s’emparer du pouvoir et à exercer leur influence de manière toujours plus brutale. Ils déplacent également les frontières et tourmentent leurs propres citoyennes et citoyens.
Ils essaient de faire du non‑respect des règles la nouvelle normalité.
Dans le même temps, nous voyons que les rapports de force géopolitiques sont en train de changer. Déjà aujourd’hui, ce continent, le continent africain, est un lieu de croissance et d’innovation.
Chaque mois, 1,7 million de personnes entrent sur le marché du travail. En 2050, une personne sur quatre vivant sur cette planète viendra d’Afrique.
Cela constitue pour nous tous une opportunité énorme. C’est pourquoi nous souhaitons investir beaucoup plus et plus délibérément qu’auparavant – comme l’exige notre époque – dans nos partenariats, ici au Sénégal, mais également dans la région, en Afrique de l’Ouest, sur ce continent dynamique.
C’est la raison pour laquelle ce Goethe-Institut de Dakar n’est pas un lieu où nous faisons uniquement étalage de la culture allemande et où nous disons : « Regardez tout ce que nous avons fait de bien en Allemagne ! »
Ce doit au contraire être un lieu d’échanges réciproques, où la volonté de s’écouter et d’apprendre les uns des autres fait naître de nouvelles formes de coopération.
Telle est l’approche que nous poursuivons en tant que gouvernement fédéral allemand avec cet institut et avec notre réforme.
Et c’est aussi l’approche que nous poursuivons dans le contexte actuel avec notre politique étrangère.
Établir de véritables partenariats au sein desquels chacun décide soi‑même – pour citer Felwine Sarr – de la direction de ses rêves, au sein desquels chacun est conscient de ses intérêts propres.
Mais pour lesquels la notion de « partenariat » signifie que les intérêts des autres constituent également un intérêt pour soi‑même.
La condition pour y arriver, c’est d’écouter. C’est d’essayer de comprendre la position des autres, en particulier lorsqu’on ne la partage pas, la prendre en compte.
Or, dans cette période de polarisation, de raisonnements de plus en plus manichéens, cela ne va malheureusement pas de soi.
Car des décennies durant, des pays de mon continent, précisément, pensaient savoir « ce qui était bon pour notre continent voisin ».
Cela laisse bien entendu des traces.
Il y a deux ans, lors de la Conférence mondiale sur le climat à Charm el‑Cheikh, nous avons travaillé sur l’idée de mettre en place un fonds pour les pertes et préjudices afin d’atténuer la crise climatique dans les États particulièrement vulnérables.
Une idée qui a longtemps été discutée par les États vulnérables, précisément. Une idée que nous avons aussi soutenue fermement en Allemagne et pour laquelle nous, les pays industrialisés, avons présenté une proposition.
Je pensais réellement qu’il s’agissait d’une très bonne proposition et j’ai été quelque peu étonnée de constater qu’il y avait tout à coup des réticences, notamment de la part des pays à faible PIB et avec lesquels nous discutions en fait depuis des années au sujet de la coopération au développement et de la politique climatique.
C’est là qu’un de mes collègues d’un pays ouest-africain m’a dit : « Tu sais bien que je te fais confiance. Mais sais‑tu combien de fois vous, les pays industrialisés, vous nous avez fait une promesse que vous n’avez pas tenue ? »
C’est précisément dans des moments comme celui‑ci qu’on pense – que la jeune génération, peut‑être, pense : on ne peut certes pas changer le passé, mais nous devons réussir ensemble, pour notre avenir, à faire naître de la confiance des blessures du passé. C’est la raison pour laquelle ces entretiens empreints de confiance qui ont lieu dans le cadre de grandes conférences internationales sont à mes yeux essentiels, tout comme des instituts de ce type, des endroits où l’on peut réfléchir ensemble à ses rêves.
Car nous savons que les réticences à l’encontre des Européens, en particulier, des États dits « occidentaux », nous savons qu’elles ne disparaissent pas d’un coup de baguette magique et qu’elles ne s’en trouvent que plus instrumentalisées encore dans cette période de polarisation.
Et soudainement, des idées communes, telles qu’un fonds climatique pour pallier les préjudices causés dans les pays les plus pauvres, tournent finalement en un débat « Nord vs Sud » ou « Occident vs le reste du monde ».
Alors que ce sont en fait précisément nous, les États européens qui, dans ce domaine, avons un intérêt tout à fait commun, celui de tout faire pour endiguer la crise climatique et, dans le même temps, de tout faire pour que ceux qui en souffrent le plus reçoivent le plus de soutien.
C’est pourquoi il est à mon sens si important, dans le contexte actuel, de construire de nouvelles alliances. Des alliances qui, bien entendu, tiennent compte de notre intérêt propre, mais qui prennent aussi en considération l’intérêt des autres et qui constatent par là qu’on partage en fait les mêmes valeurs, quel que soit le continent sur lequel on vit.
Et cela implique toujours, en particulier pour des pays comme le mien, de prendre les devants. Aussi avons‑nous par exemple dit dès le début des négociations lors de la Conférence sur le climat à Doubaï, un an plus tard, que nous n’allions pas attendre de voir ce qu’allaient faire les autres, mais que nous allions verser directement 100 millions de dollars au fonds.
C’est justement la raison pour laquelle nous œuvrons à des accords bilatéraux tels que le partenariat pour une transition énergétique juste que nous mettons aussi en œuvre conjointement ici, au Sénégal.
Non pas par charité, mais parce qu’il est également dans notre intérêt que les pays puissent mieux se protéger contre les dommages liés au dérèglement climatique.
Parce que ce n’est qu’ensemble que nous viendrons à bout de la crise climatique et parce que nous investissons ainsi dans quelque chose de déterminant : la confiance.
Confiance avec laquelle nous voulons aussi assurer la réussite des négociations dans d’autres domaines. C’est de cela qu’il s’agit. Y compris dans le cadre de la petite contribution que nous apportons ici sur place à travers notre travail.
Si nous reconnaissons que les pays portent un regard différent sur le monde, alors nous réussirons à parler de ce qui nous unit.
Et en ce qui concerne les crises qui nous entourent, une chose est de mon point de vue essentielle : notre intérêt commun de vivre dans un monde où s’appliquent non pas le droit du plus fort, mais des règles qui rendent la vie de toutes les citoyennes et de tous les citoyens plus sûre. Parce que c’est en fait ce que tout le monde veut, quel que soit l’endroit où on vit : une vie en sécurité pour soi et sa famille.
C’est ce que garantit la Charte des Nations Unies à chaque État de ce monde.
Les autocrates qui, en ce moment, essaient de plus en plus de s’emparer du pouvoir et d’exercer leur influence tentent délibérément de briser ce droit, par la force militaire ou par la pression économique.
Ils essaient par là même également d’instrumentaliser les blessures qu’a laissées l’Europe dans le monde, en particulier ici, en Afrique.
En faisant sans cesse référence à l’histoire coloniale européenne et en se présentant comme des prétendus champions de la lutte anticoloniale.
Naturellement, il est grotesque qu’un pays comme la Russie, précisément, fasse cela alors qu’elle mène au même moment une guerre impérialiste.
En Allemagne, en tant qu’« Occident », nous devons cependant aussi nous demander : pourquoi ce récit convainc‑t‑il ?
S’il y parvient, c’est notamment parce qu’il repose sur une perception réellement présente dans de nombreux pays : les Européens n’auraient jamais analysé en profondeur leur rôle de colonisateurs, de même que, jusqu’à aujourd’hui, l’Europe chercherait uniquement à créer des relations de dépendance plutôt que de la participation.
Cela aussi, on peut trouver que c’est injuste, surtout en tant que jeune génération. Il nous faut toutefois nous pencher sur cette perception afin qu’elle arrête de convaincre autant.
Nous pencher dessus dans nos réflexions, mais aussi et surtout dans nos actes.
C’est pourquoi, en tant que République fédérale d’Allemagne, nous avons commencé à restituer des biens culturels issus de la période coloniale qui, par une injustice, sont parvenus jusqu’à nous – à l’instar des bronzes du Bénin rendus au Nigéria, des objets restitués à la Namibie ou des lances rendues au peuple Kaurna en Australie.
On pourrait croire que ce n’est pas grand-chose, mais à chacune de ces restitutions, on a maintes et maintes fois senti qu’il ne s’agissait pas seulement d’« objets culturels » mais d’une part d’identité d’un pays, d’un groupe de population.
Affronter notre histoire en toute honnêteté et tirer ensemble les bons enseignements des erreurs faites dans le passé : voilà ce qui compte dans le moment présent.
Et c’est en fait très simple.
Par conséquent, nous nous engageons également, sur le plan politique, pour que les voix africaines aient davantage d’influence lorsqu’il s’agit de résoudre les problèmes mondiaux ensemble.
Car bien sûr il est injuste que l’ordre international ait été créé alors que de nombreux États n’existaient pas encore.
Avec pour conséquence le fait qu’aujourd’hui, la plupart de ces États, bien qu’ils soient maintenant des États indépendants, ne jouent pas le rôle qui devrait leur revenir.
Les États africains demandent en ce sens à juste titre de pouvoir jouer un rôle plus important dans les enceintes internationales. Au sein du G20, l’Union africaine est enfin assise, comme l’UE, autour de la table, notamment à l’initiative du Sénégal que nous, le gouvernement fédéral allemand, avons d’emblée appuyée.
De la même façon, il est aussi grand temps de créer un siège africain permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, d’attribuer un plus grand rôle à l’Afrique au Fonds monétaire international et aussi une meilleure représentation à la Banque mondiale.
Nous y œuvrons en tant que République fédérale d’Allemagne, aussi parce que nous savons qu’une telle participation renforcée implique bien sûr également d’autres négociations.
C’est un sujet sur lequel nous nous penchons actuellement de manière intense en Europe, y compris en Allemagne. Le siècle dernier, nos accords commerciaux et agricoles étaient fortement marqués par les intérêts économiques propres et non par le droit de regard des deux parties.
À cet égard, nous examinons en ce moment nos accords en tant qu’Union européenne, par exemple en ce qui concerne l’Amazonie en Amérique latine ou encore les partenariats pour les matières premières ainsi que la valeur ajoutée sur place.
Le fait qu’ici aussi, au Sénégal, le nouveau gouvernement vient d’annoncer que les contenus des accords de pêche seraient publiés vient donc à point nommé, puisque cela concerne évidemment aussi nos accords conjoints.
Parce que nous savons, en Europe comme ici, que si aucune valeur ajoutée n’est créée sur place, cela porte non seulement préjudice aux habitants de la région, mais la pression migratoire s’en trouve également accrue.
C’est pourquoi il est si essentiel de discuter de manière transparente sur ce sujet. Je tiens d’ailleurs à préciser qu’il ne s’agit pas d’un acte de charité.
C’est dans notre intérêt sécuritaire le plus strict, parce que c’est la seule façon de renforcer nos règles communes, parce que sinon, nous ne trouverons pas d’autres solutions pour le 21e siècle et nous ne parviendrons pas non plus à une paix stable durable, que ce soit en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde.
C’est pourquoi nous disons aussi très clairement : la paix, la sécurité et la prospérité en Afrique de l’Ouest représentent pour nous un intérêt majeur.
Parce que la sécurité des personnes importe pour nous, certes. Mais aussi parce que nous voulons un continent voisin stable.
Car nous avons besoin l’un de l’autre.
Nous avons encore tous en tête les images qui se sont déroulées ici, au Sénégal, ces derniers mois.
Chez nous aussi, de très nombreux jeunes ont vu ce qui se passait dans les rues de Dakar, de Touba et de Pikine. Beaucoup de jeunes et aussi des personnes d’autres générations étaient dans les rues, portant des tee‑shirts avec l’inscription Aar Sunu Election – « protégeons notre élection » –, brandissant des pancartes barrées du slogan « Sénégal libre », entonnant des chansons protestataires sur YouTube et TikTok.
Ils ont agi à l’instar de ce que préconise Felwine Sarr : comme des personnes qui veulent décider elles‑mêmes de la direction de leurs rêves.
Partout dans le monde, nos démocraties sont mises au défi. Aussi n’était‑ce pas un hasard si ces vidéos ont également été partagées et visionnées chez nous ; c’est parce que chez nous aussi précisément, en Europe, elles ont donné de l’espoir aux démocraties mises au défi.
Car la démocratie au Sénégal a montré combien elle est forte, elle a montré que la transition vers un nouveau gouvernement est possible et que les gens descendent pour cela dans la rue.
Or, c’est important dans cette période où, dans beaucoup de pays et de régions, les démocraties ne sont pas aussi résistantes que nous l’avions tous espéré.
Vous l’avez constaté notamment dans la région voisine où se sont produits des coups d’État militaires : au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Nous voyons également ce qui se passe quand, dans des temps si instables, d’autres acteurs s’en prennent aux démocraties de l’extérieur, quand des mercenaires russes commettent des crimes atroces au Mali, quand des personnes sont poussées dans les bras de terroristes et qu’on exploite leur manque de perspectives économiques.
C’est la raison pour laquelle nous agissons également dans le domaine de la sécurité.
C’est la raison pour laquelle nous renforçons notre coopération avec l’Union africaine et notamment avec la CEDEAO afin d’écouter, de regarder et de sonder ensemble quelles peuvent être les prochaines étapes dans ces pays.
C’est à nos yeux une bonne nouvelle que le Sénégal, précisément, se soit vu attribuer un rôle clé en tant que médiateur pour que la population du Sahel garde l’espoir d’une vie en sécurité. Aujourd’hui, j’ai parlé avec la ministre des Affaires étrangères Fall et avec le Président du fait que l’Allemagne appuie ces efforts, parce que le maintien de nos règles qui nous permettent de vivre dans un monde plus sûr est dans notre intérêt commun.
Et j’ai évoqué tout aussi ouvertement ce qui nous met au défi dans cette période turbulente sur le continent européen, où l’on constate que la démocratie n’est pas un automatisme et qu’il y a tout à coup de nouveau une guerre d’agression sur notre continent. Où l’on constate que dans le contexte actuel, les gens en Allemagne et en Europe sont si inquiets qu’ils se laissent entraîner par les infox et les discours de haine, qu’ils se détournent de la politique quand ils ont l’impression que la réponse la plus facile pourrait être le meilleur choix – ou que l’État ou le gouvernement n’apporte aucune différence dans leur vie.
Ce qui importe le plus, non seulement sur la scène internationale mais également dans nos sociétés, c’est la confiance.
Cette confiance dans la politique, dans les responsables politiques, dans notre démocratie : cela aussi, nous devons le consolider ensemble, sans quoi ce sont les extrémistes qui en profiteront, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières.
C’est précisément pour cela que la coopération est tellement importante pour nous, démocrates.
Pour montrer les uns aux autres que lorsque les démocraties travaillent ensemble, cela constitue une plus‑value car elles peuvent apporter des réponses, en Afrique et en Europe.
Car elles gagnent l’adhésion des gens et produisent des résultats en commun. C’est un apprentissage commun, les uns des autres et les uns avec les autres.
Nous avons vu cela lors de la pandémie, où tout n’a pas bien fonctionné au début, mais maintenant nous avons enfin une production de vaccins sur le continent africain.
On l’observe aussi dans nombre de plus petites choses, ou supposées telles, qui sont au final des choses capitales.
L’an dernier, par exemple, la commission de la justice du Bundestag allemand était ici chez vous, au Sénégal, pour s’informer notamment au sujet de la loi sur la parité.
Une loi sur la parité : en Allemagne aussi, cela donne lieu à de grandes controverses, mais ici, c’est une réalité.
Ici, la loi prescrit que la moitié au moins des personnes candidates aux élections parlementaires soient des femmes. Chez nous en Allemagne, il n’y a en revanche qu’un tiers de femmes au Bundestag allemand.
C’est pour cela que l’écoute réciproque, l’apprentissage les uns des autres sont si importants, aussi pour nous.
En effet, qu’il s’agisse de femmes médecins en Allemagne, de femmes économistes ici au Sénégal ou de femmes ingénieurs au Chili : quand les femmes n’ont pas les mêmes droits ou une participation égale, les sociétés sont non seulement moins stables, mais cela a aussi un coût très concret en termes de puissance économique.
Cela montre que les valeurs et les intérêts ne sont pas contradictoires. Ils sont les deux faces d’une même médaille.
Dans son discours de prise de fonctions, le président Faye a affirmé : « Le peuple sénégalais s’est engagé dans la voie de la construction d’un Sénégal souverain, juste et prospère, dans une Afrique en progrès. »
Nous voulons soutenir cette voie.
La meilleure façon de le faire est de formuler des propositions de coopération qui soient profitables aux deux parties.
J’ai appris aujourd’hui comment s’appelle ce principe en français : « gagnant-gagnant ».
Cela sonne de façon beaucoup plus élégante qu’en allemand.
Les propositions formulées seront des propositions qui améliorent la vie des gens dans nos pays. C’est par exemple ce que fait le système du Bus Rapid Transit, avec lequel moi‑même et beaucoup de membres de ma délégation nous sommes déplacés aujourd’hui.
C’est le premier système de bus électriques rapides en Afrique.
Nous l’avons soutenu en tant qu’Union européenne dans le cadre de l’initiative « Global Gateway ». Nous avons vu comment, avec ce système, non seulement les gens réduisent la durée de leur trajet vers leur lieu de travail à Dakar, et comment ces bus aident à réduire les émissions de CO2 et donc à endiguer la crise climatique, mais nous avons vu aussi ce qu’est une situation gagnant-gagnant lorsque des entreprises européennes et sénégalaises travaillent ensemble.
C’est chez moi une conviction, non seulement ici, avec ce nouveau bâtiment, non seulement avec ce système de bus.
Il y a tant d’autres secteurs économiques où nous pouvons obtenir encore plus de résultats. C’est pour cela qu’une délégation de représentants du monde économique venue d’Allemagne m’accompagne dans ce voyage.
Parmi eux, il y a aussi Ndiarka Mbodji.
Une entrepreneuse sénégalaise qui, avec sa start-up berlinoise, conseille des investisseurs internationaux pour qu’ils investissent dans l’énergie verte au Sénégal, mais aussi au-delà.
Nous avons vu en effet que toutes les bonnes idées politiques peinent à décoller lorsque nous avons d’une part un système financier qui n’est pas véritablement préparé pour cela.
Et nous avons senti d’autre part combien il est difficile, et sans doute pas uniquement ici sur le continent africain, de trouver des financements pour des projets locaux d’installation de panneaux solaires ou d’éoliennes.
À cela s’ajoute encore le fait que la charge de la dette pèse beaucoup plus lourdement sur les pays du continent africain.
Les intérêts sur les emprunts sont souvent quatre fois plus élevés que chez nous en Europe.
Et dans une situation où, au Sénégal aussi, 30 % de tous les ménages n’ont pas encore accès à l’électricité, je peux comprendre que l’on dise : en quoi tous ces projets vont-ils nous aider si nous ne pouvons rien changer à leur financement ?
C’est précisément pour cela que nous devons faire la synthèse entre la question climatique, la question du financement et la question de la transition ; nous avons vu cela aussi chez nous, en Allemagne. « Sortir du charbon », c’est vite dit. Mais ce que cela signifie pour les emplois, ce que cela signifie en termes de mise en œuvre pour les régions concernées, tout cela représente un immense défi, particulièrement dans les démocraties, où nous avons besoin de majorités, où nous votons toujours au bout de quelques années. C’est pourquoi je peux aussi comprendre, lorsque nous parlons de la question de la transformation et de la transition, qu’il y ait ici au Sénégal un débat sur l’avenir des réserves de gaz qui se trouvent au large des côtes.
Je suis consciente qu’il s’agit là d’une difficile mise en balance car, d’une part, d’autres États ont tiré profit pendant des décennies de l’énergie fossile et que les centrales à combustibles fossiles sont toujours des pourvoyeurs d’emplois.
Et d’autre part, nous voyons que si nous ne faisons pas progresser rapidement la transition ensemble, cela nous porte préjudice à tous. Autrement dit, il est dans notre intérêt commun à tous d’avoir un approvisionnement en énergie qui aide à endiguer la crise climatique, car sinon les territoires côtiers du Sénégal seront engloutis du fait de cette même crise climatique. Dans le même temps, nous œuvrerons afin de pouvoir concevoir cette transition de manière juste.
Pour nous, cela signifie non seulement promouvoir le développement des énergies renouvelables avec le partenariat pour une transition énergétique juste, mais aussi – comme nous l’avons fait en Afrique du Sud – apporter ensemble une contribution pour que les travailleurs qui ont été actifs pendant des décennies sur une plateforme pétrolière bénéficient d’une formation continue et puissent dès à présent travailler dans le secteur de l’énergie solaire.
Cela signifie aussi que nous abordons ensemble la question cruciale du financement afin que la Banque mondiale et les banques de développement régionales permettent davantage de projets verts dans les pays qui sont durement frappés par la crise climatique et qui n’ont peut‑être pas une notation triple A comme nous.
Nous le faisons parce que c’est notre intérêt commun. Parce que cela accroît notre sécurité à tous.
Lorsque nous écoutons au lieu de faire la leçon.
Lorsque nous recherchons des intérêts communs au lieu d’exiger des engagements.
Tel est le symbole de ce nouveau bâtiment du Goethe-Institut à Dakar.
Pour que nous ne décidions pas seulement de la direction de nos rêves, mais pour que nous définissions ensemble notre avenir.